Bonjour à tous,
Je suis vétérinaire spécialisé en herpétologie pour le compte de la Vallée des Tortues à Sorède.
Concernant l'identification électronique, il est aberrant d'envisager le marquage d'un animal aussi petit, et c'est même fortement déconseillé d'un point de vue médical à cause du traumatisme inhérent au transpondeur. Proportionnellement, il faudrait imaginer qu'on enfoncerait à un être humain de 1,80 m un trocard de plus de 4 cm de long!! No comment. La loi est un outil dont le but est de favoriser l'harmonie et non l'horreur, elle doit s'interpréter dans l'esprit et non à la lettre. Jamais une telle blessure n'a été rendue obligatoire par les textes à l'heure actuelle.
Quant à l'allusion au Pitbull, il est clair qu'un individu isolé ne pourra pas être conservé chez un particulier jusqu'à sa taille adulte, mais c'est le bon sens qui guidera notre jeune passionné par la suite (je suis d'ailleurs preneur, même dans 10 ans!). Pour le moment, une tortue alligator de quelques centimètres est loin d'évoquer l'image d'un Pitbull ! Cette race de chien n'est d'ailleurs dangereuse que si l'animal a été conditionné et dressé à l'attaque au mordant dès son plus jeune âge, ce qui correspond à un lavage de cerveau. Une Chélydre serpentine est d'ailleurs bien plus mauvaise à manipuler qu'une Macroclemys de même taille. En effet, le comportement alimentaire de la première lui dicte de projeter violemment sa tête vers le haut et vers l'avant en une fraction de seconde pour happer la moindre proie éventuelle qui aurait déclencher le stimulus sensoriel. Chez la seconde, le comportement alimentaire lui commande de rester immobile et imergée, enfoncée sur le sol vaseux pour ressembler à une souche ou un bois mort, tout en gardant en permanence la gueule grande ouverte, le seul mouvement perceptible étant celui de l'appendice lingual en forme de ver de vase situé à l'extrêmité de sa langue, qui ne cesse de se tortiller (critère de bonne santé d'ailleurs). C'est l'arrivée d'une proie sur cette appendice très sensible qui conditionne la fermeture de la gueule, la mâchoire supérieure très puissante étant armé d'une pointe corné très effilée qui est censée perforer l'appât comme un poignard. Il ne reste plus qu'à l'avaler quand elle a été tuée sur le coup. Quand la tortue mord, c'est un comportement de défense uniquement, qui se manifeste quand elle se sent elle-même en danger ou agressée. Par conséquent, les jeunes Macroclemys manipulées fréquemment (à tort, de toute façon) montrent peu de mordant. Qui plus est, le danger se présente quand le bec corné est suffisamment large pour permettre le passage d'un doigt, d'une main ou d'un membre selon la taille, sinon l'opérateur en est quitte pour un pincement ou une entaille de la peau. Par contre, les amputations de doigts aux Etats-Unis chez les propriétaires d'aniamaux adultes ne sont pas rares. L'accident arrive toujours quand on sous-estime la vitesse et la précision de la morsure de la part d'un gros reptile qui passe pour létargique et indolent. Prudence donc, mais prudence raisonnée ne veut pas dire psychose, qu'on se le dise: calmez vos imaginations de fictions du genre Série B sur M6...
Bon, moi je répondais simplement à cette histoire d'exposition prolongée hors de l'eau. De la part d'un jeune acclimaté en aquaterrarium, ça ne peut signifier qu'une chose: l'eau du bac est inadéquate.
Je m'explique:
- la température est incomfortable. En général, c'est surtout que le gradient de température dans le bac n'est pas respecté. Au lieu d'avoir un côté de l'aquarium à 30°C par exemple, et à 20°C à l'opposé, on se retrouve avec une eau uniformément à 25°C sous l'effet du brassage des pompes associé à la petite taille du bac, selon la localisation de la résistance. D'où les contraintes de dimensions de la cuve en verre, qui sont liées davantage à la régulation comportementale qu'à l"espace en lui-même. En effet, dans les conditions optimales, une jeune Macro ne se déplace que très peu, restant le plus souvent immobile à languir une proie. Pour réguler sa température corporelle interne, la tortue cherche hors de l'eau ce qui lui manque.
- l'eau subit un éclairement inadaptée. Soit trop intense, la lumière gêne le comportement de camouflage de l'animal qui se sent trop exposé à la vue des poissons, amphibiens ou invertébrés aquatiques. Soit trop faible en ultraviolet (type A et B), le rayonnement ne permet pas un développement harmonieux de la carapace cuirassée du jeune faute de permettre le dépot d'oligo-éléments et de minéraux (calcium) dans la charpente osseuse. A la longue, la tortue sort pour recevoir davantage d'exposition.
- la composition de l'eau ne correspond pas à ces besoins: c'est le plus probable. LL'eau des aquarium est en général touours trop "propre" pour les tortues de pleine eau. Elle est souvent plutôt basique au lieu d'être légèrement acide (pH 6 à 6,5 recommandé), elle contient un pourcentage en désinfectant beaucoup trop élevée (chlore en ppm?) et surtout ne reproduit pas la richesse en oligo-éléments, miro-organismes (plancton) et particules végétales en suspension (algues vertes) qui constitue l'environnement naturel de ces tortues. Rappelons que les jeunes se posent dans les bras-morts et les rives peu agitées et bien plantées des abords de grands fleuves nord-américains, zones d'échouage de nombreux déchets végétaux et animaux, véritables poubelles du corps du fleuve. La tortue sort de l'eau pour fuir un milieu qui lui est hostile.
- le jeune est atteint d'une pathologie que le milieu aquatique accentue. Il peut s'agir là de mycoses sur les muqueuses (souvent internes et indécelables) , la peau ou la carapace. Des bactéries peuvent aggraver des nécroses externes (du plastron, souvent). Des parasites Protozoaires sont susceptibles de favoriser des inflammations de muqueuses buccales ou cloaquales. La tortue sort pour se mettre au sec le temps nécessaire pour tuer ces agents pathogènes qui dépendent du milieu aquatique. Dans cette hypothèse, le premier signe est l'anorexie: refus de toute nourriture, même vivante.
Alors que faire?
A mon avis et sans avoir vu ni l'animal (autrement qu'en photo, où la tortue est en pleine forme) ni les installations, il semble que quelques modifications faciles à mettre en oeuvre pourraient arranger les choses.
D'abord, bravo d'avoir laissé une partie terrestre permettant la sortie d'eau! C'est ce qui a permis de tirer le signald'alarme, d'une part, et d'autre part c'est indispensable à la mise au sec des téguments. Avec l'âge, les individus deviennent moins enclins à sortir. Seules les femelles sont obligées d'émerger du fleuve pour pondre dans le sol humide et sablonneux des abords. Les mâles peuvent rester constamment dans l'eau, hormis quelques inspirations intermittentes à la surface.
La partie terrestre doit être constituée de sable bien drainé, et ne peut couvrir qu'un quart de l'aquaterrarium, c'est largement suffisant.
Pour l'eau,le mieux est véritablement de ne pas filtrer pour une jeune Macroclemys, à condition de renouveler très régulièrement (ça peut vouloir dire tous les jours!) la moitié du volume total. L'intérêt dans ce cas est de profiter du printemps pour n'utiliser que de l'eau en provenance de mares abondamment fournies en végétation et riches en faune, en particulier les Amphibiens, espèces bio-indicatrices de la bonne santé du biotope. Si le bac est trop petit pour ne pas filtrer (moins de 200 litres effectifs), prenez de l'eau de mare initialement et filtrer la quand même, en la renouvelent tous les mois: c'est moindre mal!
La nourriture la plus adapté est le têtard en premier lieu, puis les vers de vase vivants et tous les insectes quatiques qui passent. Plus tard on peut fournir des petits poissons (gambusies) ou des petites grenouilles, voire des écrevisses nouveau-nés. Les proies augmentent de taille proportionnellement à la bête qui les mange.
Bonne chance.
Mon e-mail: docteurnac@msn.com
Mon portable: 0617260989.